5. Joggy l’hiver

Pour vous faire sourire, quelques histoires inventées. Un personnage imaginaire se lance dans le jogging. Nous l’appellerons « Joggy ». Il fréquente un peloton tout aussi imaginaire. Toute ressemblance avec des personnages réels est bien sûr fortuite.

« Mince comme tu es, Tolstoï, tu devrais ne faire que du long. »

« Le long, c’est mon mètre presque nonante, mais je ne m’appelle plus Joggy maintenant ? »

« Siiii, Tolstoï c’est momentané, c’est parce que tu n’es guère épais »

« Alors moi je vais t’appeler Azerty, parce que tu as des lettres. ». Je me demande pourquoi mes parents m’ont appelé Jean-Guy… , ce sobriquet me colle à la peau.

L’hiver et son blanc manteau a succédé au strip-tease automnal des arbres. Ces effeuilleuses ont semé des feuilles qui masquent les flaques et maintenant voilà que cela floconne comme mes pieds. On ne s’entend plus courir. Du tapis brun au tapis blanc, la lumière fait la différence.

« Mais l’hiver, cela jette un froid pour faire des distances ». Il faut raccourcir, même si on est long ! Et de débutant sur courte distance je deviens pro-long. Pas pro comme professionnel, mais pro comme partisan ! Tiens ?? Pro. Un gigolo est un pro-metteur ? Celui que le fait gratuitement est un anti-metteur ?

« Allez metteur, sors ton antenne et met le turbo. »

« Si je suis un metteur, tu en es un autre ! »

« Et moi qui court entre vous deux, je suis un entremetteur, alors ? » viens nous glisser Marcel. Le grain de sel de Marcel est propre à ce metteur en Sennette, la rivière locale, mais en cette période hivernale ce sel est bienvenu.

Il faut savoir que les gerçures, cela existe. Que les rhumes de cerveau, cela s’attrape en prenant froid. Et en ayant un cerveau. Oui je sais, quand on court on a chaud. Mais quand on s’arrête, hein ? Qui ne s’arrête pas ? Moi je débute et parfois il me faut récupérer. Alors je m’arrête. Et souvent c’est en côte. Et les redémarrages en côte, cela fait mal.

La chouette hulotte (ce n’est pas une jolie copine qui s’appelle hulotte, hein !) ne s’entend pas le jour. Le lac qui se trouve près de Charly des Près, porte ce nom. C’est le lac Hulotte (de cheval) autour duquel nous tournons avant d’aborder une grimpette hivernale. Laissant lac Hulotte pour sa grimpette, je me trouve en terrain glissant… et c’est plus dur ! En effet, quand on a de l’élan, si ça glisse c’est facile de monter. Mais en traînant le pas, la côte est plus pénible ! Style Echternach…

Pourtant, tout le monde vous le dira, en jogging, les côtes sont plus sympas que les descentes… Il faut avoir le cœur bien accroché pour courir dans une descente ! On prend de la vitesse. Et quand vous passez les 20 km/h, même sur quelques mètres, vous pensez à des images qui n’encouragent pas : les vélos ont un frein, les voitures des airbags, les cyclos ont un casque… Et les arbres qui défilent à toute vitesse. Cela fait trois pas à la seconde, sans se tordre la cheville. On se tord de rire, mais c’est la seule chose qui vous fait rire avec le mot tordre…

Quoique… D’ailleurs dans ces circonstances, les corps s’arc-boutent. Et celui qui fait rire dans ces cas-là, est-il un arc-boute-en-train ? Ici, l’entraînement sans entrain est impossible. Sans tender ni trompette, le rythme s’accélère. Froid ou non, ils sont chauds et les volutes de fumées exhalées de leurs poitrines saccadées marquent l’air du bois… et la mesure de leurs efforts se traduit par la longueur de ces exhalaisons. Le blanc du sol, la blancheur de l’air. Tout est troublanc.

Il faut les voir courir sur la neige. Le pas glisse et la boue marque vite la neige. Ca crisse, teint le chemin et d’une vierge couche blanche, ils font un sombre sentier de forêt. C’est la curée. Mais ce qu’on ne sait pas, c’est que cette file d’enfants de chœur à l’ouvrage, est d’office alignée, de manière à profiter de l’aplatissement de la poudreuse par le pas du précédent. Dieu merci, nous ne sommes pas assez nombreux pour verglacer l’allée. Allez, chez Torine un verre glacé nous attend et nous y communierons nos états d’âme après ces hostilités sportives et avoir laissé cet enfer blanc à nos talons. Nous chantons avec Yves, le terme de notre jogging : « Talons enfants de la patrie, le jour de foire est terminé ». Si le Brabant sonne, le Hainaut ouvre la porte en ce lieu interprovincial qu’est le bois de la Houssière…

Les équilibristes de la course à pied sont toujours étonnés de se trouver si nombreux les jours de conditions climatiques difficiles. Le jogging, c’est une passion, qui se vit passionnément et ce avec des passionnés ! Cela déstresse, détend, apaise, cela vous fait vibrer. Et quelles « good vibrations », diraient les Garçons de Plage !

J. Air

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